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​Le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l'Administration accorde un entretien au quotidien L’Economiste

03/04/2020
​Le Ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l


Ci-après l’entretien accordé par M. le Ministre à l’Economiste intitulé «Exclusif - Benchaâboun: Pourquoi il faut garder confiance» :


- L’Economiste: Quelles sont les esti­mations de l’impact du Covid-19 sur les secteurs exposés comme notamment le tourisme et l’export?

- M. Mohamed Benchaâboun: La crise sanitaire induite par le Covid-19, de par son ampleur et ses conséquences inédites, est venue se greffer à un contexte international déjà chargé d’incertitudes. Il s’agit de la plus grave crise que l’humanité ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale. Toute tentative d’estimation des impacts ne pour­rait être, dès lors, qu’approximative. Cela dépendrait de plusieurs paramètres, dont notamment la durée de la crise et son am­pleur, l’efficience des mesures déployées pour y faire face ainsi que de la capacité des Etats à gérer la phase post-Covid-19.

Le Maroc n’est pas à l’écart des pertur­bations que connaît l’économie mondiale. Les perturbations des chaînes d’approvi­sionnement et de production, la fermeture des frontières mettent à l’arrêt plusieurs secteurs, dont notamment le tourisme et les branches d’activité orientée à l’export. Exception faite de l’export des produits alimentaires qui connaît certes, plusieurs diffi­cultés d’ordre logistique, mais qui continue son activité malgré tout. Néan­moins, les me­sures de sou­tien jusque-là déployées par le gouvernement, contribueraient à atténuer l’am­pleur des chocs exogènes sur notre économie. Le Comité de veille écono­mique continue­ra de suivre de près les déve­loppements de la situation en vue d’adresser les actions de politique écono­mique appropriées à même de renforcer la résilience de notre économie.

 

- Baisses des recettes touristiques, des MRE et des exportations… quelle est la marge pour la balance de paie­ment face à cette situation inédite?

- L’ouverture grandissante de l’éco­nomie nationale sur l’extérieur fait que les canaux de transmission de la crise actuelle s’opèreraient également à travers la balance de paiements. Les postes pour­voyeurs de devises, en l’occurrence les exportations, les recettes touristiques et les transferts des MRE, en seraient affec­tés, quoiqu’à des degrés variables. Or, il convient de souligner que les fondamen­taux de l’économie nationale sont assez résilients pour être en mesure d’absorber, à court terme, les chocs induits par cette crise. Outre nos réserves de change qui couvrent plus de 5 mois et demi d’impor­tations de biens et services, nous bénéfi­cions du soutien de nos bailleurs de fonds aussi bien bilatéraux que multilatéraux. A cela s’ajoutent les autres possibilités que nous pouvons exploiter tels que le recours au marché financier international ou à la facilité qui nous est offerte par le FMI au titre de la Ligne de précaution et de liqui­dité.


- Est-ce suffisant?

- Il importe, aussi, de relever que cette crise n’a pas seulement des effets néga­tifs. Elle s’est accompagnée d’une forte accalmie des prix de certains produis sur le marché international dont notamment les produits énergétiques. Des économies de devises non négligeables sont à relever à ce niveau, sans oublier les effets sur le pouvoir d’achat des ménages, en raison de la baisse concomitante des prix à la pompe. Pour le secteur touristique natio­nal, il est évident qu’il est touché de plein fouet. Nous ne savons pas encore quelle sera la durée de cette crise pour nous et pour nos pays pourvoyeurs de touristes. Nous pourrions donc évaluer l’impact véritable de cette crise sur le secteur une fois que la circulation des personnes aura repris entre les pays.


- Les ménages en confinement ont tendance à consommer peu. Or, en l’ab­sence de soutien à la demande, principal allié des entreprises, que comptez-vous faire sur ce front?

- Justement, les mesures prises par le CVE, à travers le soutien direct des mé­nages vulnérables, visent à préserver le pouvoir d’achat de cette frange de la popu­lation, qui en raison du confinement sani­taire, sont en arrêt d’activité. Les transferts monétaires prévus vont permettre de sou­tenir la consommation de ces ménages et entretenir la dynamique de la demande, principal pilier de croissance de l’écono­mie nationale. Il en est de même pour les mesures destinées à soutenir l’activité des entreprises, qui ne manqueraient pas de sécuriser une bonne partie des emplois et donc des revenus. L’ensemble de ces mesures visent, in fine, à créer les condi­tions nécessaires pour que l’activité éco­nomique résiste au mieux à ce contexte difficile et pour qu’elle puisse être en mesure de reprendre convenablement à la sortie de la crise.


- L’économie nationale, qui tourne au ralenti, peut-elle tenir le coup si la période de confinement est prolongée?

- Tout d’abord, j’aimerais rappeler que la priorité, au niveau national, est de pré­server la vie des citoyens marocains. C’est ce qui explique les mesures drastiques de confinement qui ont été prises par notre pays dès l’apparition de cette pandémie. Ainsi, les premières actions déployées, suite aux hautes orientations de Sa Majes­té le Roi, ont porté sur le renforcement de l’infrastructure sanitaire pour faire face à cette pandémie et traiter, dans de bonnes conditions, les personnes qui seraient at­teintes par le virus.

Par la suite, l’autre batterie de mesures qui ont été prises revêtent un caractère so­cial et visent la préservation des emplois et le soutien du pouvoir d’achat des mé­nages vulnérables. Ces deux choix com­binés président d’un pari important que le Maroc a décidé de relever, en plaçant l’Homme au rang des priorités, mais sans pour autant perdre de vue l’impératif de préserver la résilience de l’activité éco­nomique.


- Et quid des secteurs ?

- L’autre point important à relever est le fait que le comportement des différents secteurs de l’économie nationale face à la crise du Covid-19 n’est pas du tout homo­gène. Plusieurs branches d’activités de­vraient maintenir leur dynamisme comme notamment l’industrie extractive, agroa­limentaire, chimique, le secteur de télé­communication et les services financiers. Ces secteurs représentent 41% du PIB non agricole. Si on y ajoute l’administration publique, nous sommes à 53% du PIB non agricole qui ne devrait pas beaucoup pâtir des mesures de confinement. Il existe par contre des secteurs qui sont très impactés, en l’occurrence, le tourisme et les activités connexes, le transport aérien ainsi que le textile et l’automobile.


- Sur le management de la crise, la mobilisation a été rapide et intelligente. Quels éléments, quelles procédures fau­dra-t-il retenir pour l’avenir?

- Nul doute que le Maroc, grâce à la clairvoyance de Sa Majesté le Roi, a été par­mi les pays qui ont fait preuve d’une posture de proactivité en matière d’anticipation des risques induits par cette crise sanitaire d’en­vergure. Pour preuve, les priorités ont été rapidement définies et les mesures appro­priées ont été déployées à temps. En effet, le Maroc a rapidement mis en isolement son territoire, a procédé à un confinement précoce de sa population et a mis en place le Comité de veille pour contenir les effets de cette crise sur le plan sanitaire, social et économique. Il faut également se féliciter de l’élan de solidarité qui s’est exprimé de manière spontanée aussi bien par des per­sonnes morales, publiques et privées, que des personnes physiques pour alimenter le Fonds de gestion de cette pandémie, sous l’impulsion de Sa Majesté le Roi.

Tout cela dénote de la capacité de notre pays à relever les grands défis qui l’inter­pellent et à transformer les risques en op­portunités. Au moment où notre pays est en train de repenser son modèle de déve­loppement, les enseignements de cette crise sanitaire devraient nourrir la réflexion autant sur nos priorités de développement que sur le mode d’insertion de notre économie à l’international.

 

Intelaka en stand-by

Tous les efforts publics sont concentrés sur la lutte contre le Covid-19. Mais qu’en est-il du programme Intelaka? Le ministre des Finances est for­mel: «le programme constitue l’un de ces chantiers prioritaires, du moment qu’il cible une tranche névralgique de notre tissu économique. Il s’agit notamment des TPE, des petites entreprises, des jeunes porteurs de projets, des jeunes entreprises innovantes, des auto-entrepreneurs et des petites exploitations agricoles. Il a besoin, aujourd’hui, plus qu’avant, d’être appuyé et accompagné», dit-il.

Pour des considérations objectives et au vu du contexte actuel du confi­nement, « ce programme est en stand-by, mais demeure toujours inscrit dans les priorités. Il sera l’un des chantiers importants qu’il faudra accélérer dès le retour à la normalité», note-t-il. Pour lui, ses objectifs s’inscrivent pleinement en cohérence avec la politique de relance qui devra se dessiner à la sortie de la crise sanitaire du Covid-19.


Source: l'Economiste, N° 5733 du 03/04/2020

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